mercredi 27 octobre 2010

préface de Brrr! Polars Expérimentaux - par Charles Pennequin

Antoine Boute raconte des histoires, ses histoires c'est des polars, des polars qu'il est en train d'écrire et on dirait qu'Antoine Boute est en train de marcher dans la rue, ça se passe dans un livre mais c'est comme si c'était dans la rue et dans cette rue Antoine Boute rencontre quelqu'un qui (et c'est là que ça devient super glauque et trash et tout ça) est une sorte de lecteur assoiffé de trucs lisibles mais qui en même temps est obnubilé par des histoires toutes faites alors qu'Antoine Boute veut lui montrer que l'histoire qu'il raconte est en train de se faire, seulement en train d'exister sous les yeux du lecteur, c'est-à-dire que l'écriture du roman, ou plus exactement du polar, est en train de se réaliser sous ses yeux et qu'il va falloir ne pas avoir peur des ratures dans le texte, parce qu'à un moment donné il va falloir repréciser des choses, qui se sont passées avant et qu'on a oubliées de dire, ou qu'il va sans doute se produire des trucs super bizarres et qu'il vaut mieux prévenir un peu ce type qu'on croise dans une rue. Car en fait, Antoine Boute raconte vraiment des histoires comme s'il devait les faire apprendre à d'autres pour qu'ils les racontent à leur tour. C'est un peu comme dans les mille et une nuits. Dans les mille et une nuit par exemple il y a quelqu'un qui vit une expérience super éprouvante, c'est-à-dire qu'il doit mourir sauf s'il raconte une belle histoire, et dans cette histoire il rencontre quelqu'un, dans une rue, avec qui il engage la conversation et à qui il doit répéter son histoire dans laquelle il y a quelqu'un qui à son tour raconte une histoire. Pour Antoine Boute, qu'on ne s'y trompe pas, il y a une vraiment une volonté de faire une poésie populaire qui passerait par toutes les bouches, c'est toutes les bouches qui parlent à travers les histoires d'Antoine Boute, toutes les bouches qui répètent les histoires et qui reviennent en arrière pour détailler un évènement hyper important que le narrateur a failli oublier de préciser. Que ce soit des bouches de filles, de clodos ou d'enfants, c'est toutes ces bouches qui écrivent les histoires d'Antoine Boute. Antoine Boute écrit des trucs super vivants et marrants et populaires pour faire revivre un peu la poésie par le biais de toutes ces bouches qui ont fini par raconter ses polars à travers sa parole à lui.