jeudi 7 octobre 2010

LES MORTS RIGOLOS - extrait. Par Victor, Lucas & Antoine Boute

Pendant le déjeuner Lucas demande à sa maman : « Maman, j’ai reçu une grande boule de noël pour la noël, tu pourrais s’il te plaît la pendre à notre sapin ? » - « D’accord Lucas, mais finis d’abord de déjeuner. »

Tout le monde finit de déjeuner, Lucas va chercher sa boule de noël sur le tas de cadeaux qu’ils ont ramené de la fête et la donne à sa maman. Ann essaie de mettre la boule dans le sapin, tout en haut du sapin, mais n’y arrive pas parce qu’elle est trop petite. Du coup elle appelle Antoine : « Tu peux venir accrocher la boule dans le sapin à ma place s’il te plaît, moi je n’y arrive pas ! » - « Ok j’arrive, donne-moi la boule ! »

Antoine prend la boule mais au moment où il la soulève, il entend un drôle de bruit à l’intérieur : « tic, tic, tic, tic, tic, … » - « Ann, viens un peu écouter, il y a un drôle de bruit à l’intérieur de cette boule de noël. » Ann pose son oreille sur la boule, entend le bruit et dit : « Oui, bizarre, je me demande si ce ne serait pas une bombe ? » A ce moment-là, BANG !, la bombe-boule-de-noël explose et tue Ann et Antoine d’un seul coup.

Victor et Lucas voient ça d’un peu plus loin, et trouvent que c’est une bonne blague que leurs parents leurs font : ils sont sûr qu’ils font semblant d’être morts.

- Hé papa ! Pourquoi t’as plein de Ketchup sur toi ?
- C’est pas du Ketchup gros malin, c’est du sang ! Je suis mort ! Je suis l’esprit de ton papa ! Je suis mort !

Victor et Lucas pleurent très très fort… Snif snif, snif snif.

- Qu’est-ce qu’on fait, maintenant, Lucas ?
- Ben viens Victor, on va vivre comme des hommes préhistoriques !
- Je suis d’accord, mais il faut d’abord s’occuper de l’enterrement !
- Mais comment ?
- Ben c’est facile, on appelle les flics !
- Non, pas question ! On appelle pas les flics, on appelle les pompiers, j’ai des problèmes avec les flics !
- Ben c’est pas grave, c’est moi qui les appelle alors !
- Non, on appelle les pompiers !
- Bon d’accord, on appelle les pompiers.

Victor se penche sur le corps de son papa et prend le téléphone qu’il a dans sa poche. Il dit : « maintenant, c’est mon téléphone ! » - « Et celui de maman, c’est le mien ! » répond Lucas en se penchant sur le corps de sa maman.

- Allo, les pompiers ? Mon papa et ma maman sont morts !
- Ok on vient vous sauver ! Vous avez des grands-parents chez qui vous pourriez aller habiter ?
- Oui, on en a plein mais on veut pas ! On a décidé d’aller habiter dans la forêt, comme des hommes préhistoriques !
- Ok les gars ! On arrive !
- Dites, les pompiers ! Vous pourriez nous donner les squelettes de nos parents comme souvenir ? Comme ça on les pend à un arbre et autour de l’arbre on va faire une cabane ! On utilisera leurs os pour massacrer les méchants ! On prendra aussi la boule de noël bombe, le boomerang-lame et les vrais fusils, tous les jeux qu’on a reçu à la noël.
- Dites les amis, c’est pas très poli de prendre le squelette de vos parents… Normalement il faut les mettre dans le cimetière.
- Ben non, pas obligé ! On garde le squelette et on met juste le cœur au cimetière. Ok ?
- Bougez pas, on arrive !

Les pompiers arrivent avec leur ambulance et convainquent Lucas et Victor de mettre le corps de leurs parents dans le cimetière plutôt que de les découper en morceaux pour massacrer les gens avec leurs os. Ils en profitent pour aussi prendre le corps de Petzel et le corps du voleur. Tout le monde est très triste et pleurt beaucoup. Toute la famille arrive pour organiser les enterrements.

Après l’enterrement de leurs parents, Victor et Lucas partent, comme prévu, habiter dans la forêt comme des hommes préhistoriques. Victor prend le plus grand couteau de la maison et c’est tout, parce qu’il décide de vraiment vivre comme un homme préhistorique. Lucas, lui, préfère tout de même prendre à manger : il explique à Victor que c’est quand ils auront fini de manger toute la nourriture qu’ils commenceront à tuer des biches avec leurs lances et à vivre comme des hommes préhistoriques. Ils partent dans la forêt mais se rendent rapidement compte que ce serait plus pratique de vivre dans leur jardin : là au moins ils ont un potager et peuvent de temps en temps rentrer dans la maison pour laver de la salade ou des fraises par exemple, ou jouer avec leurs jeux, leurs instruments de musique etc. Ils font donc demi-tour et s’installent dans le fond du jardin, dans leur cabane. La première chose à faire, se disent-ils, c’est de tailler des lances. Comme ça, si une biche passe, on la tue. Ils ont à peine fini de tailler qu’un cerf vient se battre avec son ami dans le jardin : leur maison est juste à côté du bois, et donc il y a souvent des cerfs qui viennent s’y battre.

- Ok moi je tue le plus grand, dit Victor, parce que c’est moi le plus grand !
- Non ! Moi je dois avoir le plus grand, puisque je suis le plus petit ! Je dois plus grandir que toi, donc j’ai besoin de plus de cerf que toi !
- Je suis pas d’accord ! Je prends le plus grand !

Victor et Lucas discutent longtemps, longtemps, tellement longtemps qu’ils ne remarquent pas que les cerfs étaient fatigués de se bagager dans le jardin et sont partis.

- Ah zut, qu’est-ce qu’on va manger ce soir, alors ?
- Je sais pas moi, j’ai pas faim.
- Moi en tout cas je vais manger des pommes.
- Bon ok, moi aussi.
- Et après on va aller avec la voiture en France et on va faire du canoë !
- Bonne idée, mais tu crois pas qu’on va tuer de gens sans faire exprès, puisqu’on ne sait pas conduire ?
- Oui, et on va foncer dans un magasin sans faire exprès !
- Et on se fera poursuivre par la police, on ira tellement vite qu’ils n’arriveront pas à nous suivre !
- On arrivera à la Dordogne, on mettra notre canoé dans l’eau et ils nous poursuivront avec leurs tanks, dans l’eau !
- Mais non hein, ça se peut pas, un tank dans l’eau !
- Mais si ça se peut ! Patate !
- Mais non !
- Mais si, si l’eau est pas trop profonde !
- Mais la Dordogne c’est super profond !
- Bon ok, on part pas en voiture alors !

par AC Hello pour OVERWRITING

armée noire à Dunkerque

optreden in Groningen - Noorderzonfestival

Ik ben hier in Groningen omdat ik een workshop moest organiseren met jonge Belgische delinquenten – de bedoeling is dat ik hen leer hun driften te beheersen door die te koppelen aan klankpoëzie.

Ik ben hiervoor met mijn groep delinquenten speciaal naar Groningen gekomen omdat er hier bendes jongeren rondlopen die in de straten van het stadscentrum ‘s nachts schreeuwen en brullen.

Ik vond dit fenomeen interessant en het bracht me op het idee een soort collectieve klankperformance te organiseren, samen met mijn stagiairs.

Je ziet het aankomen, we huren een appartement pal in het centrum van de stad, op de tweede verdieping, en hopla de eerste nacht dat we er zijn is het direct een schot in de roos : we beslissen pornolettrisme door het raam te doen, dus porno maar voor elk publiek, voor iedereen bestemd aangezien de naakte lichamen gewoon vervangen worden door letters of door klanken, wat dus porno wordt maar dan abstract, abstract-porn, 100% moreel.

We zitten daar vollenbak pornolettrisme te doen aan het raam en ’t heeft direct goed gewerkt moet ik zeggen, er is direct een hele bende jongens en meisjes die vanuit de straat vanalles met hun stem met ons begon uit te spoken.

En toen dachten wij hier zo van kom, kom hier iedereen, kom we gaan hier iedereen in een hypnotische transe brengen ! Dat gaat smaken !

Hoe dik gelukkig dat wij hier zullen kunnen zijn zo met iedereeen samen onder experimentele pornolettristische klankhypnose !

Dan wordt het spannend natuurlijk, omdat er meer en meer jongeren gelokt worden door wat wij hier allemaal uitspoken en het wordt echt feest, echt zwaar feest pal onder ons appartement daar in het centrum van Groningen.

Iedereen staat daar volledig in trance en pornolettrisch gehypnotiseerd en je ziet het aankomen, een bende jongens en meisjes die in het gebouw recht over ons zaten te feesten op de 2de verdieping wordt smoorverliefd op ons.

Ze worden echt doodverliefd en omdat ze echt heel plezant zijn en heel mooi, worden wij natuurlijk ook oerverliefd op hen.

Nu wordt het echt spannend, want die mensen krijgen het in hun bol een kabel te spannen tussen de 2 gebouwen, zodat we elkaar daar, op die kabel, fysisch zouden kunnen ontmoeten.

Ze gooien ons een touw toe, we maken het touw vast aan een radiator, iedereen zit nog altijd in transe te schreeuwen en voilà ’t is vertrokken, de jongeren kruipen naar elkaar toe, op de touw.

De scène is echt heel mooi, heel poëtisch maar ook heel tragisch natuurlijk : men ziet een alsmaar groter wordende massa jonge brullers en schreeuwers op straat in pornolettristische transe geraken, terwijl over hen jongens en meisjes over het gespannen touw naar elkaar toe kruipen.

Echt heel mooi en poëtisch allemaal aangezien, je raadt het al, veel van die verliefde en in trance verkerende jongeren van het touw pal op straat vallen, waardoor men een heel mooi klankenmengsel bekomt : hun pijnkreten samen met de kreten van de massa in transe. Er vallen ook een paar doden, we wenen en blijten het uit, echt magisch allemaal wat dat als klankresultaat geeft, zeker wanneer een paar overlevende jongeren elkaar uiteindelijk fysisch weten te ontmoeten op de kabel.

Voilà. ’t Is ongelooflijk maar het is juist op dit ogenblik dat een jonge filosoof voorbijloopt en dit tafereel ziet. Hij vond het zo indrukwekkend dat hij besloten heeft een filosofisch boek te schrijven over deze scène, door ondermeer de theorieën van Freud over de doodsdrift en de levensdrift te gebruiken. Echt spannend allemaal.

projet MOTNEY des éditions MOOS/BRUGGER

conférence pour mon livre POST CREVETTE - éd. de l'âne qui butine

VOIR http://www.onlit.be/index.php?option=com_k2&view=item&id=534:conf%C3%A9rence-pour-mon-livre-post-crevette&Itemid=148

Algarve Bio Hardcore

soirée BRUL # 3 les Ateliers Claus

"La grande théorie cosmique de la célébrité" (pour MEDIUM de Vincen Beeckman)

La grande théorie cosmique de la célébrité



Alors voilà, la question du jour c’est : comment devient-on célèbre, quels sont les trucs et astuces pour devenir célèbre. Hé bien je dois dire que cette question tombe plutôt bien, plutôt au poil dans la mesure où là maintenant, pile au moment où j’écris ceci hé bien je me sens assez célèbre je dois dire. C’est vraiment un hasard assez heureux, j’écris ce texte sur comment être célèbre et paf, n’advient-il pas que justement je me sens célèbre à fond ? Incroyable. Du coup, c’est sans difficulté que je vais pouvoir spéculer sur cette question, ça va venir tout seul tout seul vous allez voir. Je vais tout simplement surfer sur l’agencement de mes affects du moment et ça suffira amplement pour vous pondre une grande théorie générale sur la célébrité qui tient bien la route. De mon côté, qu’en est-il ? On plante le décor : je suis assis nonchalamment, à poil, à l’aise, dans un jacuzzi, il fait chaud, il y a de la vapeur partout autour de moi, je suis dans un centre thermal, j’écris ceci dans mon cahier, tout va bien. Je spécule sur la célébrité. Autour de moi, d’autres corps nus, jeunes, beaux, alanguis, qui discutent entre eux. Atmosphère paisible au possible. On sent bien du coup comme le corps se décharge des tensions : super agréable, je vais mettre ça dans mon texte sur la célébrité. En effet là maintenant je me dis qu’avant de donner des trucs infaillibles pour être connu, il faut que j’explique le mécanisme de la célébrité, tous les rouages qui se mettent en place et s’agencent lorsqu’on se met à devenir célèbre.

Il faut savoir par exemple qu’être célèbre c’est une odeur : on reconnaît quelqu’un de célèbre à ce que son corps dégage dans l’odeur. Pas une question de parfum bien sûr, vraiment une question d’odeur corporelle spécifique à la célébrité. D’où vient l’odeur de la célébrité ? me demande-je ici, ici et couché nu dans ce jacuzzi, me sentant célèbre et en compagnie de gens célèbres. Hé bien l’odeur de la célébrité vient d’une certaine façon d’être, d’une certaine manière d’être : lorsqu’on est connu, célèbre, on se met à s’agencer le corps de telle façon qu’il soit en interconnexion directe et constante avec un maximum d’autres corps. Une fois que tu es célèbre, tu es celui dont le corps est senti, éprouvé et vu par un maximum d’autre corps, c’est ça la prémisse de base, la prémisse de base de l’odeur de la célébrité : l’odeur de la célébrité vient de ce que le corps connu l’est du fait qu’il s’agence ses parties en fonction de celui des autres. L’odeur de cet agencement est la prémisse de la célébrité.

Ca n’a l’air de rien comme ça mais en fait c’est extrêmement complexe comme réalité, car c’est une réalité qui mobilise tout le cosmos. Si vous voulez devenir célèbres, écris-je dans mon cahier, ici, nu dans ce super centre thermal en compagnie de plein de gens célèbres et nus comme moi, affalés dans ce jacuzzi obscènement chaud, si vous voulez devenir célèbres, chers lecteurs et lectrices, hé bien il faudra d’abord bien bien comprendre la théorie générale de la célébrité, qui est une théorie extrêmement complexe qui passe donc notamment par toute une théorie de l’odeur, mais également toute une théorie cosmique évidemment.

Car il est bien évident n’est-ce pas que dans la mesure où l’odeur de la célébrité passe par tel agencement de corps, hé bien il faut se poser la question des parties corporelles agencées par cet agencement. Cette question-là de l’agencement des parties corporelles nous ramène en deux temps trois mouvements à spéculer à l’infiniment petit qui compose nos parties corporelles : notre corps est un agencement d’une multiplicité infinie de parties infiniment petites, agencées de telle et telle et telle manière qui font que, au final, elles produisent l’odeur de la célébrité et qu’on se retrouve célèbre ou non. Irréfutable, n’est-ce pas ?
Irréfutable et en même temps hyper angoissant bien sûr, puisque si on réfléchit bien, si on pousse la logique plus loin, on se rend compte qu’être célèbre c’est vraiment une question cosmique en fait. En effet que se passe-t-il ? Je suis là, couché dans mon jacuzzi, dans l’eau et la vapeur chaude, tout va bien, je spécule par rapport à l’infinité de mes particules corporelles tout en regardant autour de moi les ravissants corps nus qu’il y a ici autour et là : coup de théâtre. Coup de théâtre puisqu’en poussant la logique de l’infiniment petit à son comble, forcément on se retrouve à palper l’abysse infranchissable existant entre chaque particule formant notre corps. Abysse infiniment grand évidemment, puisque séparant des particules corporelles infiniment petites.
Voilà l’affaire : être là et célèbre, être là avec un corps célèbre, un corps agencé de telle façon qu’il soit connecté à un maximum d’autres corps, c’est agencer des abysses cosmiques selon un style très particulier qui excite les abysses cosmiques d’autrui : très impressionnant. Inéluctable, 100% logique, 100% prouvé scientifiquement : pour être célèbre, il faut se connecter corporellement de façon telle au cosmos que nos particules corporelles s’agencent entre elles d’une façon qui soit hyper bien en connexion excitée avec le cosmos intérieur d’un maximum d’autres corps.

Donc être célèbre est très angoissant car ça démultiplie les abysses : on se retrouve avec son abysse intérieur connecté à une multiplicité d’autres abysses intérieurs complètement inconnus. En même temps c’est ça la clé du succès : celui qui veut devenir célèbre, hé bien rien à faire, c’est la carte de l’interconnexion des cosmos intérieurs qu’il doit jouer et exciter, c’est inéluctable. Sans agencement de cosmos, pas de succès.

Voilà. Le cadre théorique est posé, et maintenant il faut que je vous explique, depuis ce centre thermal où je me trouve ici, nu et affable, la théorie du jacuzzi, qui est la théorie infaillible qui vous permettra d’être célèbre.

Voici la théorie du jacuzzi : qui veut être connu a le fantasme du regard des autres qui lui coule dessus, c’est du narcissisme qui passe par le regard de l’autre, de n’importe quel autre. Vouloir être connu c’est vouloir être touché ou touché du regard ou senti ou entendu ou gouté par n’importe quel autre, quel qu’il soit : c’est l’abstraction du regard, du toucher, de l’ouïe, des sens de l’autre, ce sont les sens de l’immense multiplicité des autres qui te coulent dessus à l’échelle industrielle, complètement abstraits de leurs corps singuliers. La théorie du jacuzzi dit que pour être connu, pour assouvir ce fantasme de l’industrialisation et de l’abstraction des sens des autres, rien de tel qu’un bon jacuzzi : en effet la sensation de la célébrité, la sensation d’avoir le cosmos intérieur touché, palpé, caressé par le cosmos intérieur d’une tripotée d’inconnus, est en fait tout à fait comparable à la sensation éprouvée dans un bon jacuzzi bien rempli de gens nus.

Tu rêves d’être connu ? Facile : fais comme moi, pointes-toi dans un jacuzzi, tout le monde fait semblant de rien, d’un air entendu soudain on partage de l’intimité comme ça, boum sans prévenir, mine de rien, naturellement, tout le monde partage : être connu c’est se partager avec les autres. Se partager avec les autres, être généreux de l’intime. C’est, tu vois, être dans le monde comme dans un grand jacuzzi.

Grand jacuzzi que toi, en vraie star, tu arrives à chauffer rien qu’avec ton bouillonnant cosmos intérieur hyper intéressant.

CONFERENCE POUR PHASE III - GARE DU CONGRES

PHASE III - GARE

Alors voilà, il faut savoir qu’en ce moment en ville il se passe quelque chose d’assez intéressant, d’assez passionnant même, je dirais, tant artistiquement que politiquement parlant.

En effet dans le cadre du projet Phase III nous avons eu la chance de collaborer avec une bande de jeunes, une bande de jeunes artistes assez radicaux je dois dire, une bande de jeunes artistes radicaux auxquels on avait demandé de travailler autour de la question de l’angoisse. Notre demande était très simple : pourriez-vous s’il vous plaît faire un coup de boule au fantasme de l’apocalypse qui travaille l’Occident ?

Evidemment ils se sentent directement concernés, étant entendu que l’angoisse, la paranoïa ce sont des choses qui fascinent les jeunes. Pourquoi ? Hé tout simplement, nous expliquent les psychanalystes d’entre eux, parce qu’angoisse et désir ont partie liée. Les psychanalystes de la bande nous expliquent que les jeunes ont un surplus de vie, un excédent de vie, une libido débordante qui leur sortent de partout et du coup ce qui se passe c’est que tout ce jaillissement pose à un moment donné la question de la jouissance, de la jouissance d’abord en tant que décharge de toute cette tension puis de la jouissance en tant que limite évidemment. « Ce qui lie l’angoisse au Désir chez l’être parlant est précisément la jouissance comme limite » nous expliquent-ils encore.

Voilà la raison pour laquelle nous sommes fascinés par le désastre, nous expliquent-ils en long et en large, c’est parce qu’on a des excès de vie en nous qui nous démangent, on a de la souplesse mentale en excès, un excédant de souplesse mentale qui finalement bute contre la limite du plus-de-jouir et nous plombe le sang de noirceur.

Cette noirceur de nos sangs nous plombe le cerveau à tel point qu’on en vient à vouloir nous la cracher à la face du monde et des gens, on en vient à vouloir cracher à la face du monde et des gens des installations complètement ergonomiques à cette angoisse creusée par la jouissance en excès qui nous pulse trop la vie, on en vient à se dire que politiquement ce qui serait pertinent ce serait de recracher dans les boyaux de notre civilisation, qui est par excellence la civilisation de la jouissance, de recracher dans les boyaux de notre civilisation de la jouissance la terreur de son angoisse explosée et gonflée par son excès d’excitation complètement mégalo.

Alors voilà, nous expliquent-ils, vous voulez bosser avec nous sur cette grande question de l’angoisse contemporaine ? Très bien, hé bien si c’est le cas, aidez-nous à confectionner une grande installation alors, une grande installation ergonomique à l’angoisse et à la jouissance contemporaine.

Nous du coup pour les aider on a été à l’université, où nous avons pris contact avec un groupuscule d’étudiants en sciences, toutes sortes de sciences, toutes sortes de sciences hyper dures, hyper rationnelles, hyper radicales dans leur rationalité. Ce groupuscule avait la caractéristique d’être 100% nihiliste : leur crédo c’était : nous, étudiants en sciences, nous sommes dans le bizness de la rationalité pure – pure, simple, radicale. On ne croit absolument en rien puisque ce en quoi nous croyons, c’est en la logique régissant le réel. Nous ne croyons pas au réel, nous croyons aux structures qui permettent d’agir sur lui.

On a fait se rencontrer les deux groupes, la rencontre s’est bien passée et après plusieurs mois de travail acharné ils ont décidé de s’autoproclamer « groupuscule terroriste pornolettriste radical » et d’aller littéralement recracher dans les boyaux de notre civilisation la terreur de son angoisse explosée et gonflée par son excès d’excitation jouissive. Ils ont vraiment joué la carte de la littéralité puisqu’ils ont décidé que le fait de fabriquer des métros et des gares, le fait de fabriquer des gares, des stations sous-terraines, le fait de fabriquer des tunnels, des boyaux sous-terrains, le fait de pénétrer comme ça tête baissée dans la terre, c’est un signe de méfiance, d’angoisse à la limite, et que c’est donc là qu’il fallait agir.

Ils ont couplé ça à toute une réflexion sur la question de la nature, puisqu’évidemment une réflexion sur la jouissance, le désir et l’angoisse ne peut bien sûr faire l’impasse sur l’originarité de ces forces, et éventuellement leur co-extensivité au fait d’être vivant.

C’est là que ça devient poétique, mystico-poétique, mystico-poétique mais aussi très concret, très matériel et très naturel, donc, puisqu’avec l’aide des étudiants en science hé bien ils ont réussi à mettre au point un dispositif terroriste complexe dans les gares, les métros et les trains de la ville, un dispositif terroriste complexe cependant 100% bio, 100% naturel et 100% garanti sans décès.

Le clou de leur action ce sont, tout bonnement, des scènes comme ça de méfiance dans les gares, les métros, les trains, les tunnels, les boyaux, des scènes de méfiance de tout ce grand public constitué des gens de la ville, avertis au préalable de la possibilité d’attentats pornolettristes par la radio, la télé, internet etc…

Voilà. Tout simplement. Ils ont réussi à instaurer un climat de méfiance, on sait désormais qu’à tout moment par exemple quelqu’un transportant un sac de moules, un paquet de moules dans le métro, pourrait en fait être un dangereux terroriste pornolettriste dont les moules en question, travaillées au corps par les équipes scientifiques, dégageraient des vibrations ou des odeurs très particulières, très particulières dans le sens où elles auraient la propriété de susciter une transe sexuelle intenable et collective chez tous les usagers du métro ou de la gare, par exemple… Même chose avec les limaces, méfiance, méfiance également si vous croisez un jeune qui tient en laisse un insecte genre coléoptère ou hanneton, ça peut vouloir dire que vous serez bientôt hypnotisé et asservi à un délire sexuelo-mystique pornolettriste radical, en pleine gare, en plein métro, ensemble avec des milliers de citadins dans le même cas.

Bonne chance, méfiance, et surtout merci à nos amis artistes radicaux pour cette réflexion percutante, décapante, par rapport au plus-de-jouir contemporain.

A PROPOS DE MON PROCHAIN LIVRE

A PROPOS DE MON PROCHAIN LIVRE

En ce moment je réfléchis à un livre sur le dispositif d'écriture chez Derrida. Mon projet ne se donne pas tant pour objectif d’analyser le contenu de l’œuvre de Derrida ni de voir comment la déconstruction de la métaphysique y est à l’œuvre (ce qui a été l’objet d’une multitude d’ouvrages) que d’appréhender son écriture en tant que telle. Il s’agirait d’une approche à la fois rhétorique, philosophique et esthétique de celle-ci, pour arriver à en dégager la poéticité. Il me semble que cette approche certes plurielle de Derrida trouve cependant son unité dans l’exigence de voir en Derrida un « poète » au sens large ou étymologique, au sens (e.a., il faudrait approfondir) de quelqu’un qui réinvente la langue (avec tout ce que ceci implique) en même temps que le rapport à l’autre qui s’y joue et le sens qu’il fait émerger de celle-ci.
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La problématique du toucher servirait de structure conceptuelle permettant d’articuler ces différentes approches : « toucher » en effet relève à la fois de la rhétorique (où il s’agit d’analyser comment « toucher » quelqu’un), de la philosophie en général et de l’esthétique.
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La problématique du toucher permettrait ainsi de réfléchir notamment à la « présence » ambiguë de l’écriture de Derrida : jamais pleine, jamais « là en tant que telle » à exposer le contenu de sa pensée, mais s’adressant toujours à l’autre et à de l’autre (texte), le tout en ne s’exprimant que rarement en son propre nom. C’est peut-être cette adresse, cette façon de se placer constamment en marge, en retrait d’autre chose qui fait de l’écriture de Derrida quelque chose de quasiment insaisissable. Peut-être est-ce le fait qu’il se contente de toucher à autre chose (plutôt que d’exposer une théorie) qui fait que Derrida serait intouchable, toujours fuyant : il n’affirme presque jamais rien et n’offrirait donc aucune prise, en tout cas au niveau conceptuel et philosophique.
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Il reste cependant que l’on peut se demander comment fonctionne cette façon qu’il a de toucher l’autre au cœur, comment fonctionne « l’ironie derridienne ». Ce questionnement, qui relève de la rhétorique, devrait permettre de dégager clairement le dispositif ou la scène de l’écriture de Derrida : comment ses textes s’adressent-ils au lecteur, comment se rapportent-ils aux autres textes, quels effets veut-il obtenir, comment y arrive-t-il etc. L’approfondissement de ces questions (et sans doute d’autres) permettront j’espère de mieux comprendre comment Derrida joue avec le dispositif de l’écriture, le met en jeu et le déjoue.
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Grâce à cette analyse rhétorique, il devrait être possible de mieux cerner entre autres une certaine forme de « rire » de l’écriture de Derrida. (« (…) un certain éclat de rire traverse presque tous mes textes » dit-il lors d’une interview). ((Ce rire nous rapproche sans doute du nœud du problème : s’il s’agit d’écrire pour toucher, si, donc, ce que l’écriture de Derrida révèle c’est qu’écrire c’est toucher, ce qu’elle révèle également c’est qu’il s’agit souvent de « rire le toucher ». Rire le toucher c’est-à-dire s’adresser à l’autre mais dans le rire – rire qui est souvent, en dernière analyse, le rire du vivant face à la mort, rire de la mort.))....
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La question : « comment touche-t-il ? », qui relève de la rhétorique, permettrait ainsi de passer à la question « pourquoi touche-t-il ? » qui relèverait plutôt de la philosophie (éthique et politique). Cette question du pourquoi pourrait donc s’articuler autour de la question du rire, toujours en rapport étroit avec la question du toucher. Question du rire qui sera creusée notamment par le biais de la question de l’amitié telle que déployée dans « Politiques de l’amitié »....
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Au final il s’agirait de voir, comme dit, comment l’inventivité à l’œuvre dans l’écriture de Derrida relèverait d’une approche « poétique » / esthétique du langage.....


Il s’agirait à la fois de dégager et de travailler autour des différentes problématiques concernant le toucher repérées par Derrida dans l’histoire de la philosophie (à travers l’œuvre de Nancy) concernant le toucher et d’analyser, du point de vue de la linguistique pragmatique, les techniques et stratégies d’écriture de Derrida à l’œuvre dans ce livre. Les diverses acceptations de ce que « toucher » peut vouloir dire, à les observer être déconstruites par l’écriture de Derrida, pourraient, couplées aux outils de la linguistique pragmatique, fournir des outils pertinents pour comprendre le fonctionnement et les enjeux du style de Derrida.
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Le livre « Le toucher, J-L Nancy » serait donc analysé et exploité à la fois dans son contenu et dans sa « forme », c’est-à-dire son articulation à ce qui lui est extérieur (corpus de textes philosophiques analysés, figures du toucher dans la langue française, J-L Nancy en tant qu’ami de Derrida (avec tout ce que l’amitié suppose (cfr Politiques de l’amitié))) ; il s’agirait donc d’analyser à la fois le « message » de ce texte, les propositions sensées qu’il développe et le dispositif d’écriture, la scène de l’écriture mis en place par Derrida pour y arriver.
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Cette analyse pragmatique du style de Derrida pourrait mener à penser l’écriture comme acte qui aurait à s’assumer en tant que tel : écrire, comme tout acte, « touche à quelque chose » ou « touche quelqu’un » et n’a lieu que depuis un corps singulier qui s’adresse, par la médiateté de l’écriture, de l’édition, de la lecture etc, à d’autres corps singuliers. Ce qu’il faudrait questionner, donc, c’est comment ce souci de l’ « événement du toucher » de cette écriture (événement en tant que ce qui arrive au-delà du prévu, du prévisible, des possibilités, l’événement en tant qu’ « im-possible » et donc en tant qu’ébranlement, en tant qu’acte de « toucher au cœur ») vient marquer de son exigence le style d’écriture de Derrida.
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Comment cette écriture touche-t-elle au cœur ce à quoi / à qui elle touche et pourquoi? Cette double question permet sans doute de condenser bon nombre de problématiques, tant pour ce qui concerne la pratique « agaçante » de l’écriture chez Derrida que pour ce qui concerne les multiples questions liées à la question du toucher. En effet les questions « comment toucher ? » et « pourquoi toucher ? », posées par Derrida à même l’acte ou le style de son écriture, ne sont-elles pas d’une certaine manière des questions qui concernent l’éthique, la politique et la rhétorique de manière fondamentale ? Encore faut-il déterminer selon quelles figures l’acte de toucher doit ici chaque fois être entendu.
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Une figure du « toucher » pourrait désigner quelque chose de radicalement physique, physiologique (cfr Aristote qui considère l’acte de toucher, en tant qu’ouverture d’un corps à ce qui lui est extérieur, comme co-extensif au fait d’être vivant ; cfr également les spéculations de Freud sur l’origine de la vie dans « au-delà du principe de plaisir »), quelque chose de commun à tout être vivant (Aristote), quelque chose que tous les êtres vivants auraient en partage. Ce sens du toucher, en tant qu’ouverture à l’extérieur, serait à la fois la plus grande chance du vivant (pas de vie sans rapport à ce qui est autre, ne fût-ce que pour se nourrir, dit Aristote) et son plus grand danger, puisque trop toucher, être trop sensible, signe la mort du vivant. C’est à ce niveau purement physiologique que Derrida voit un embryon du sens de la « prudence » : pas de vie sans mesure dans le toucher. Pas de vie sans cette première loi : « toucher, mais pas trop. » Première loi de l’éthique, peut-être, inscrite au cœur de la vie même. La question « Comment toucher ? » trouverait du coup son origine dans l’origine de la vie même, serait l’embryon de l’éthique et serait partagée par tout ce qui est vivant. (« L’animal que donc je suis » de Derrida ainsi que « La fin de l’exception humaine » de Schaeffer entre autres, pourraient prolonger cette problématique)
A partir de là, d’autres figures du toucher peuvent être dégagées, plus abstraites : si de l’Antiquité à Husserl en passant par Kant le toucher a été considéré en général en philosophie comme « le sens le plus sûr car le plus immédiat » (trahissant par là selon Derrida un fantasme d’immédiateté fusionnelle, un désir de totalité signifiante etc, un « haptocentrisme »), Aristote pose au contraire qu’il serait erroné de déduire de la proximité du touché et du touchant une immédiateté entre les deux. Il fait intervenir au contraire chaque fois « une mince pellicule d’air ou d’eau » entre touchant et touché, qui fait de cette croyance en une immédiateté un leurre. Entre touchant et touché il y a au contraire une médiateté, une distance, un écart irréductibles. Ce « contact sans contact » inhérent à l’acte de toucher implique nécessairement que l’on ne touche que par figure, par fiction. Première émergence de la « fiction » ou façonnement du sens, intrinsèquement liée à la question de la finitude, de la perte du réel, du deuil. Le vivant touche par fictions de sens à ce qui lui est autre, et ce toucher, s’il le fait être en vie, le confronte également, mais dans la fiction, à ce qui borde sa vie.
((Cette émergence du sens au sein même de la question du toucher permet peut-être de questionner la pratique de la rhétorique depuis ce point de vue : si l’art de la rhétorique consiste à faire accepter pour évidemment vrai quelque chose qui ne l’était pas immédiatement pour le destinataire du message, peut-être tout se joue-t-il d’abord là, dans cette non-immédiateté ?))
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Ces deux exemples de figures du toucher, l’une physique et l’autre abstraite, ancrent donc la question « comment toucher ? » que l’on pourrait se poser à partir de l’écriture de Derrida, au creux des questions du vivant et de l’émergence du sens, avec tout ce que ces questions impliquent comme ouvertures dans les domaines notamment de l’esthétique, de la rhétorique, de l’anthropologie etc. Reste la question « pourquoi toucher ? ». Pourquoi ébranler, toucher au cœur, déconstruire, surtout l’œuvre d’un ami (J-L Nancy) ? Ici se mêlerait une réflexion sur la rhétorique (pourquoi produire, par le discours, un effet sur l’autre) et sur le politique (en partant de la question de l’amitié, cfr « Politiques de l’amitié »).
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Il me semble cependant et à première vue que si au départ ces questions peuvent être distinguées (pourquoi et comment toucher, analyse du contenu et de la forme du discours de Derrida), au final ce que l’écriture de Derrida obtient, c’est justement une indistinction des deux : l’acte de son écriture s’appliquerait en somme à n’inscrire que sa propre excription. L’inscription, l’émergence du sens au sein de son discours ne serait autre qu’une « certaine façon » (une style, une figure) de se rapporter à son dehors, d’où excription (selon le mot de J-L Nancy à propos de Bataille) et renvoi vers tout le dispositif et la scène de l’écriture. « Le toucher, J-L Nancy » ne serait ainsi pas un livre sur la ou les questions concernant le toucher, ni un livre à propos de J-L Nancy, mais plutôt la trace d’un acte éminemment complexe d’écriture qui ne prendrait son sens que dans une compréhension globale du dispositif ou de la scène ayant mené à son élaboration (rapport à l’ami, au « don sans don » à lui faire (e.a. la déconstruction de l’haptocentrisme dans la philosophie), à l’exigence impossible d’avoir à le toucher au cœur, avec tout ce que cela implique de danger et de chance, de là rapport à une certaine politique de l’amitié ici effectivement en acte, etc etc). Cette approche globale de l’écriture de Derrida serait une approche qui se nourrirait tout à la fois de la philosophie et de la rhétorique (ou linguistique pragmatique), mais les déborderait en abordant au final l’écriture de Derrida comme une écriture poétique : s’inventant elle-même en même temps qu’elle invente son sens et ses rapports à l’autre.